Défaire la première illusion : je pense donc je suis

C’est le sujet dont j’ai le plus parlé – de façon parcimonieuse – dans mes différents essais et vidéos :
L’illusion de l’identification au mental est la première illusion à défaire pour progresser spirituellement.
Mental = source de nos pensées
Identification au mental = croyance que nous sommes la petite voix dans notre tête, et que nos pensées nous définissent (tout cela est la même chose)
Ma définition de la spiritualité, c’est l’étude des ombres, des illusions qui se situent entre nous et la Réalité, et la tentative de les défaire, en pointant vers elles la lumière de la conscience. Si je devais faire une supposition, je devinerais que ces ombres sont au nombre de sept, comme toujours…
Progression spirituelle = reflux des ombres grâce à la Lumière de la conscience, afin d’accéder à la Réalité
Par conséquent, être spirituel, c’est être Lucide.
Cette première illusion donc, celle de l’identification à ses pensées, est particulièrement pernicieuse car il est très difficile de la percer à jour : elle est située à l’origine, au centre de commande, comme l’observateur.
Comme si tu cherchais à guérir d’une maladie, alors que la maladie, c’est toi.
L’épisode 4 de la saison 2 de Rick & Morty (ma série préférée) explore une problématique très comparable et tout aussi insolvable : comment se rappeler de ce qui est réel si l’on ne peut faire confiance à ses souvenirs ?

De la même façon, comment faire confiance à mes pensées pour réfléchir à propos d’elles-mêmes ?
En effet : celui qui s’essaie à l’exercice de se défaire de l’illusion de l’identification à ses pensées se heurte au premier abord au paradoxe suivant : penser ses pensées revient à recourir à ses pensées. Comment l’objet du mal pourrait-il spontanément devenir l’outil de l’illumination ? D’apparence, le serpent se mord la queue.

Quelle est la solution ?
Pour une partie, la solution consiste à dissocier la pensée et l’observation : l’observation lucide n’exige pas de penser. Et l’observation lucide de ses pensées, sans jugement, suffit à briser après un certain temps l’illusion qu’elles sont indispensables, ou encore qu’elles nous définissent.
Le corps est un excellent outil pour y arriver.
Concentrer son attention sur son corps permet d’accélérer ce processus. Le corps est souvent opposé au mental, et ce n’est pas par hasard. Se recentrer sur son corps, en méditant sur sa respiration par exemple (j’utilise personnellement les vibrations des pulsations de mon cœur dans ma tête) est une excellente façon de revenir à un état d’apaisement rapidement. L’effet est d’autant plus fort et frappant dans les moments où nos émotions nous échappent (colère, déprime, folie).
Pourquoi cela est-il intéressant ? Nous souhaitons être en paix, pas “apaisés”.
Ce qui est intéressant, c’est de constater que nous sommes capables de modifier notre état intérieur, indépendamment des conditions extérieures.
En effet, entre le pic émotionnel et le moment de calme, il n’y a rien eu d’autre à faire que quitter ses pensées pour intégrer son corps.
Ce chaos émotionnel nous appartenait-il alors réellement ?
Parfois oui, mais pas systématiquement. J’irai jusqu’à dire que la plupart du temps, non. Et dans ces moments, typiquement, nous nous surprenons à avoir pris pour nous ce qui n’appartenait qu’aux bavardages dans notre crâne.
Et la prise de recul par rapport à ce brouhaha auquel nous ne prêtons même plus attention, c’est notre corps qui nous le permet le plus facilement.
D’où l’importance de cultiver et d’utiliser son corps.
Plus la connexion avec celui-ci sera grande, plus il sera aisé d’y plonger son attention, et de se rendre compte de l’amplitude de sa présence.
Vaincre nécessite du temps.
Car il faut plusieurs itérations d’épiphanies – i.e. de moments de lucidité évanescente – avant d’inscrire le processus dans son sang, de comprendre viscéralement l’illusion de l’identification à ses pensées : quand et comment il apparaît, pourquoi il s’agit d’une illusion et à quoi ressemble la vie une fois défaite de celle-ci.
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